Une enquête de la Cour des comptes sur cinq organismes philanthropiques au cœur de la crise sanitaire. Bons points et améliorations attendues.
Depuis 2021, la Cour des comptes a publié des travaux relatifs aux réponses apportées par les pouvoirs publics aux différents aspects de la crise. Si les moyens publics déployés pour faire face à la crise liée à la Covid 19 ont été particulièrement importants, la générosité des Français a aussi été massivement sollicitée par les organismes philanthropiques.
Les magistrats de la rue Cambon ont dès lors mené une enquête sur l’emploi des dons collectés à cette occasion par cinq organismes particulièrement impliqués. Grâce à des collectes dédiées à la Covid 19, la Croix-Rouge française, la Fondation de l’AP-HP, la Fondation de France, la Fondation des Hôpitaux et l’Institut Pasteur ont en effet proposé au public de financer des actions de recherche et de soutien aux soignants, aux patients ainsi qu’aux personnes vulnérables.
La crise sanitaire a entrainé un vaste élan de générosité, très concentré sur la période du printemps 2020
Les cinq organismes mentionnés ci-dessus ont collecté non seulement des dons financiers à hauteur de plus de 200 M€, mais également des contributions volontaires en nature sous forme de dons alimentaires, de matériels, d’espaces publicitaires et de mécénat de compétence. La Fondation des Hôpitaux et la Fondation de l’AP-HP, en particulier, ont fait face à un volume de collecte sans précédent, respectivement neuf et onze fois plus élevé qu’en 2019. Pour répondre rapidement aux besoins urgents engendrés par la crise, les organismes examinés ont dû adapter leurs modalités de fonctionnement, d’intervention et de communication. Ils ont mis à profit les canaux numériques pour diffuser leurs appels à dons et informer de leurs actions.
Les hauts magistrats ont relevés que ces associations ont également fait évoluer leurs méthodes de sélection et de financement de projets, pour tenter de concilier la qualité et la fiabilité des opérations avec un impératif de réactivité.
Ainsi les fonds ont ainsi pu être déployés rapidement et, fin 2021, 70% de la collecte avaient été dépensés. Plus de la moitié de ces dépenses a permis de soutenir les patients et les soignants, 22% ont été consacrés à la recherche médicale et 21% à l’aide aux personnes vulnérables. L’essentiel des dons a financé la mise en œuvre d’actions de lutte contre les effets immédiats de la crise, tandis qu’une partie a été affectée à des actions de moyen ou long terme nécessitant un financement pluriannuel, notamment de projets de recherche médicale ou d’installation d’espaces de détente pour les soignants.
Une information des donateurs à parfaire : une transparence toujours lointaine
L’information faite aux donateurs par les organismes n’a pas été complète dans le cadre des appels aux dons, et mérite d’être améliorée pour ce qui concerne la restitution des actions réalisées grâce à la collecte. La procédure de déclaration spécifique en préfecture n’a pu être pleinement respectée compte tenu de l’urgence de la situation, mais surtout un manque de clarté dans les messages d’appel à dons a été constaté. Superposition d’appels à dons, proximité de dénominations et contiguïté de missions s’agissant de la Fondation de l’AP-HP et la Fondation des Hôpitaux pour la Cour des Comptes, imprécision de messages n’incluant pas systématiquement toutes les causes ciblées par la collecte, ont pu être vecteurs de confusion et altérer la bonne information des donateurs sur la destination des fonds collectés. Par ailleurs, l’application depuis le 1er janvier 2020 du nouveau règlement comptable a donné lieu à quelques interprétations erronées. Enfin, la restitution des actions n’a pas été systématiquement accompagnée de données financières, pourtant nécessaires à la bonne information des donateurs. L’enquête comporte deux recommandations qui concernent l’établissement d’un bilan exhaustif de l’emploi des fonds et la prise en compte comptable des dons en nature.
Et pour les plus petites associations ?
Si la Cour des Comptes s’est penchée sur des très grandes associations, notre expérience nous permet de compléter les éléments en ce concernés des associations très importantes mais qui n’ont pas la dimension de celles citées.
Les appels aux dons
Certaines associations n’ont pas toujours une connaissance juridique de leur fonctionnement : toutes connaissent l’AG et le rôle du président mais après c’est parfois plus flou
Ainsi en est-il d’une confusion sur les appels se cotisations et les appels aux dons. Ce sont des recettes mais elles sont fondamentalement différentes.
Une association a intérêt aux deux : les cotisations assurent les adhésions et donc des recettes prévisibles d’une année sur l’autre. Le nombre de cotisants fit le nombre d’adhérents qui est n’importa t non seulement pour les finances mais pour la représentativité ou le « poids politique » . Suivant l’objet social de l’association, cette représentativité est importante pour rencontrer des élus , des décideurs, rechercher des financements.
Les dons permettent eux de générer des recettes plus ou moins ponctuelles suivant les campagnes, parfois moins incertaines suivant les causes, la préparation, la période de l’année , mais aussi très importantes. C’est la générosité du public. Cette nouvelle règle qui depuis deux ans impose pour que les sommes annuelles perçues supérieures à 153 000 euros, un dépôt des comptes soit fait.
C’est cette dernière formalité qui est un peu compliquée en ce qu’il implique que les comptes soient tenus… selon le plan comptable association, de préférence sur un logiciel mieux que sur un fichier excel.
Tenir une comptabilité digne de ce nom
De trop nombreuses associations encore en France ne savent pas tenir une comptabilité. pour autant nous ne remettons pas en cause l’empire de la loi actuelle qui laisse les associations très libres mais dès lors qu’il faut rendre des comptes un minimum d’organisation est à souhaiter.
Ceci est nécessaire pour éclairer le conseil d’administration et rendre des comptes précis lors de l’assemblée générale (certains peuvent être houleuses) comme pour gérer l’édition des reçus fiscaux … cela l’est tout autant à notre sens pour assurer une transparence sur l’emploi de fonds dès lors que l’on demande la générosité du public. Quel budget a été consacré à quel action ..et plus que le montant, la proportion de celui-par rapport aux dépenses courantes ou frais de fonctionnement de la structure.
L’exercice est difficile, il est plus que nécessaire après quelques scandales qui ont écorné le milieu associatif dans le domaine de la santé été la recherche. Il est aussi une marque de respect pour les personnes qui donnent pour une cause, parfois avec des moyens modestes.
C’est aussi pourquoi certains labels (par ex. dons en confiance) ont surgit afin de permettre de faire figurer sur un site internet ou un dépliant un logo ou un certificat de bonne utilisation des fonds donnés . A utiliser avec vigilance encore.
Cette transparence devient aussi, le lecteur l’aura compris, une signe de compétitivité, de différenciation des lors que nombre d’associations en France font appel à la générosité du public sur désormais les réseaux sociaux et la préférence des donateurs iront de plus en plus au mieux communiquant, par seulement sur l’émotion, mais sur l’éthique de l’emploi des fonds.
Pour en savoir plus
- En parallèle, la Cour met en ligne les actes du colloque « Garantir le bon emploi des dons des citoyens » qui s’est tenu à la Cour le 25 novembre 2021.
- À noter : l’ordonnance du 23 mars 2022 prévoit qu’un rapport public sera désormais adressé au Parlement et au Gouvernement tous les deux ans pour rendre compte des principaux enseignements à tirer des travaux de contrôle effectués par la Cour. La publication de ce premier rapport est prévue pour octobre 2023.